Les intoxications par les anticoagulants (aussi appelés antivitamines K) sont la seconde cause d ’intoxication chez le chien et le chat après les insecticides. Ce sont des produits utilisés pour éliminer les rongeurs nuisibles (rats, souris, loirs, campagnols, ragondins, rats musqués,…). Ils sont en vente libre.

Les produits les plus anciens sont toxiques après plusieurs ingestions chez le rat ; les produits de nouvelle génération sont toxiques en ingestion unique. Ils sont donc également plus toxiques pour nos animaux domestiques.
Ils se présentent sous des formes variées : céréales enrobées, granulés, blocs de paraffine hydrofuges, à des concentrations de 0,0025 à 0,0075%, ou des poudres de piste à 0,2%.
Les produits de première génération s ’appellent : la chlorophacinone, le coumafène, le coumachlor, le coumatétralyl et la diphacinone. Parmi les produits de seconde génération il y a : le brodifacoum, la bromadiolone, le difénacoum, la diféthialone et le flocoumafène.
Le chien, le chat, les NAC, les lapins, les oiseaux, les porcins, les équidés, et les animaux sauvages tels que le renard, les mustélidés (marte, fouine) et les rapaces nocturnes sont sensibles aux anticoagulants. Les ruminants (bovins, caprins, ovins) y sont davantage résistants.

Circonstances d’intoxication

Nos animaux domestiques s’intoxiquent en consommant directement un appât qui n ’a pas été correctement dissimulé ou non mis hors de portée, par acte de malveillance ou en consommant un rongeur intoxiqué.
Pour les produits de première génération, plusieurs ingestions sont nécessaires pour déclencher l’intoxication. Pour les produits de seconde génération, la première ingestion est toxique.

Mode d’action des toxiques

Les anticoagulants bloquent l’activation de la vitamine K1 qui est indispensable à la fabrication de certains facteurs de la coagulation. De ce fait l ’animal (le nuisible ou nos animaux domestiques) saigne sans pouvoir coaguler, jusqu’à en mourir.
Les produits anticoagulants peuvent passer à travers le placenta et dans le lait et intoxiquer ainsi les petits.
> Les anticoagulants produisent des hémorragies mortelles sans traitement.
La toxicité dépend du produit ingéré, les doses toxiques sont connues chez le rat mais pas de façon précise chez les chiens et les chats. Nous savons aussi que certaines races sont plus sensibles que d’autres.
A titre d’exemple, la DL50 (dose à partir de laquelle 50% des animaux décèdent) est de 100 g d’appât à base de 0,005% de brodifacoum pour un chien de 20 kg.
D’autre part, des ingestions répétées passant inaperçues sont relativement fréquentes ; la dose toxique est alors 100 fois plus faible pour une intoxication sur 5 jours par exemple.
> Attention aux chats chasseurs : ils s’intoxiquent en consommant sur plusieurs jours des proies ayant ingéré le produit, sans avoir eux-mêmes accès au produit.

Signes d’intoxication

Les symptômes apparaissent entre 2 et 10 jours, en moyenne au bout de 72 heures.
Dans les cas graves, la mort survient rapidement par hémorragie cérébrale ou péricardique.
Les formes plus classiques débutent par de la fatigue, de l’anorexie, de la toux. Les muqueuses sont pâles. Ensuite les symptômes dépendent de la localisation des saignements :

  • des troubles locomoteurs de type boiterie (saignements articulaires ou musculaires),
  • des difficultés respiratoires comme de la toux, des crachats de sang (saignements thoraciques),
  • des troubles cardiaques (tachycardie, troubles du rythme cardiaque),
  • des convulsions (saignements cérébraux),
  • des saignements de nez, des selles noirâtres contenant du sang digéré (méléna), des urines rouges, des hématomes…
Diagnostic

Souvent, les propriétaires apportent l’information selon laquelle ils ont récemment déposé des toxiques pour les rongeurs.
Les signes cliniques sont évocateurs.
Un simple prélèvement de sang dans un tube en verre permet de tester la coagulation en première intention. Ensuite, des examens de laboratoire peuvent être entrepris pour explorer davantage la coagulation.
Les examens (numération formule, radiographie, échographie…) pratiqués servent à chercher les complications et connaître l’état du patient pour entreprendre le traitement.
Conduite à tenir si vous voyez votre animal ingérer un produit anticoagulant
1) Vous êtes sûr que la quantité ingérée est infime (appât simplement léché ou seulement quelques graines ingérées), en une seule fois : il suffit de surveiller votre animal pendant une dizaine de jours.
2) Si la quantité ingérée est importante :
> Ça fait moins d’une heure : le vétérinaire peut vous proposer de faire vomir votre animal et de poursuivre le traitement en faisant avaler du charbon activé. Le traitement antidote est alors inutile.
> Ça fait plus d’une heure : soit on met en place un traitement antidote « en aveugle », soit on suit la fonction de coagulation par des examens de laboratoires réguliers (tous les 3
jours environ pendant 10 jours) et on utilise l’antidote au besoin.

Traitement

Le traitement répond en premier lieu aux symptômes et permet de gérer l’état d’urgence. Les cas graves nécessitent une hospitalisation et une transfusion sanguine (voir la fiche correspondante pour davantage d’information).
Le traitement spécifique consiste en l’administration de vitamine K1. Les produits de première génération sont rapidement éliminés de l’organisme alors que les produits de seconde
génération persistent plusieurs semaines : la durée du traitement est fonction du toxique ingéré (les anticoagulants de dernière génération nécessitent des traitements de 6 à 9 semaines).
> Pensez à apporter chez le vétérinaire l’emballage du produit pour adopter la durée du traitement.
> Il ne faut surtout pas interrompre le traitement : la rechute est souvent plus sévère.
> A la fin du traitement, l’animal est très sensible à toute nouvelle intoxication : une petite quantité peut déclencher les symptômes.
Le pronostic de ces intoxications dépend du délai d’intervention, de la dose ingérée et de la localisation des lésions. L’issue est très favorable si le traitement est correctement suivi.